Dans un contexte de tension politique croissante où la liberté de la presse est grandement menacée, la Fondation Hirondelle adapte ses programmes au Sahel pour lutter contre la désinformation et forme des journalistes ouest-africains à la prévention des conflits.
Le contexte dans les pays du Sahel est demeuré instable en 2022. Au plan sécuritaire, les différents groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS) ont continué d’opérer au Mali, Niger et Burkina Faso, frappant indifféremment populations civiles et forces armées régulières. Dans le nord du Burkina Faso, près de 40 % du territoire est passé sous le contrôle des groupes armés et les attaques visant les villages ont tué plus d’une centaine de civils. Il en est de même au Mali et au Niger, avec une concentration des attaques autour des régions de Gao, de Menaka, de Mopti et de Tillabéri. Entre violence armée et changement climatique, les habitant•e•s du Sahel voient leur environnement se modifier radicalement.
Au cours de l’année, les inondations ont entrainé la mort de centaines de personnes dans la région, le déplacement de milliers d’autres et la destruction de plus d’un million d’hectares de terres cultivées. La faible productivité des terres et la hausse des prix des denrées alimentaires et des biens de première nécessité ont ainsi aggravé la crise alimentaire que connait la région. L’inflation annuelle moyenne a atteint 4,2 % en 2022, soit le plus haut taux de ces dix dernières années. À cela s’ajoute l’instabilité politique au Mali et au Burkina Faso. Ce dernier a connu deux coups d’État en janvier et septembre 2022.
Le rétrécissement de l’espace civique et un climat de répression à l’encontre des médias, se sont accentués. En avril 2022, les deux médias internationaux France 24 et RFI ont dû cesser d’émettre au Mali. En novembre, la chaîne malienne Joliba TV News a également été suspendue par les autorités pour propos diffamatoires. Au Burkina Faso, RFI a également été suspendue du pays en décembre. La désinformation et les discours de haine contre les opposants au gouvernement ont été particulièrement présents dans les médias traditionnels et les plateformes sociales.
La fragilité des médias de la région est à son paroxysme et le risque est généralisé de relayer sans aucune distance les propos extrémistes. La menace de suspension plane sur ceux qui veulent continuer d’informer en toute indépendance. Pourtant le rôle des médias dans la prévention des crises multiformes est crucial. Celle-ci passe par une information fiable et inclusive, accessible au plus grand nombre, et par la mise en lumière d’initiatives concrètes qui renforcent la résilience des communautés.
Pour soutenir les médias de la région, la Fondation Hirondelle a lancé en 2022 le Programme « Médias et Prévention de la violence dans le Sahel ». Ce programme financé par le Département fédéral suisse des affaires étrangères (DFAE) s’adresse aux journalistes professionnels de sept pays francophones ouest-africains : Mali, Niger, Burkina Faso, Bénin, Togo, Guinée, Côte d’Ivoire. Pendant une année, un groupe de 25 journalistes dont 7 femmes, bénéficieront d’une formation continue théorique et pratique, composée de quatre blocs d’enseignement individuels, et d’un accompagnement de la Responsable éditoriale de la Fondation.
Il existe un besoin d’informations fiables, qui peut être comblé par des initiatives déjà existantes telles que le réseau sérieux et réflexif des stations de radio soutenues par la Fondation Hirondelle (Studio Tamani au Mali et Studio Kalangou au Niger). Leur voix peut être écrasée par les machines de propagande d’État, pourtant elle existe et devrait être maintenue.
Extrait de l’étude « Interactions entre civils et djihadistes au Mali et au Niger » constatations de la recherche et leçons de politique – Par Ferdaous Bouhlel et Yvan Guichaoua – University of Kent.
Quant aux trois médias de la Fondation Hirondelle présents dans cette région, Studio Tamani (Mali), Studio Kalangou (Niger) et Studio Yafa (Burkina Faso), ils ont adapté leurs programmes pour lutter contre la désinformation et la propagande. Plusieurs programmes courts et accessibles en langues locales ont été mis sur pied pour déconstruire les fausses informations et combler le vide dans lequel prolifèrent les rumeurs. Ces programmes de proximité, diffusés par un réseau de plus de 180 médias partenaires, constituent des points de repère pour les populations dans ce contexte extrêmement fragile.